jeudi 20 novembre 2008, par Nicolas LE MENN
Nous rencontrons Joël VALLAT dans un restaurant du 5ème arrondissement de Paris vendredi 17 octobre 2008. Il est proviseur du Lycée Louis Le Grand depuis 1997 et gère près de 900 « prépas » ainsi que 800 lycéens. Cet établissement, riche d’une longue et prestigieuse histoire, a accueilli de nombreuses personnalités depuis sa création en 1562 par les jésuites. Premier lycée à effectuer un brassage social, il intègre depuis le 16ème siècle des étudiants de toutes origines socioculturelles. Il bénéficie d’une dérogation lui permettant d’effectuer un recrutement national et pratique une sélection rigoureuse. Dès la classe de seconde, un tiers des étudiants est issus de banlieue. Ils sont choisis pour leur excellence pédagogique, au lycée comme en classe préparatoire. Pour ces derniers, le recrutement des candidats français est effectué selon la procédure nationale. Les étudiants choisissent 12 lycées différents et leur dossier sera ensuite examiné par les professeurs. Au cours du mois d’avril, ceux-ci sélectionnent ainsi les futurs préparationnaires parmi les milliers de demandes que reçoit Louis Le Grand.
La seconde particularité du lycée Louis Le Grand est son caractère international. Fruit du travail de son proviseur, le lycée accueil 150 étudiants étrangers sur 900 préparationnaires toutes filières confondues. Les pays les plus représentés sont les pays du Maghreb ainsi que la Chine où le proviseur a su tisser des liens avec les responsables des établissements locaux. Cependant « ces étudiants qui proviennent d’une quarantaine de pays différents doivent s’orienter dans les filières scientifiques » (MP, PC, PSI) en raison de leur niveau en français. Si les concours des écoles d’ingénieurs ont su adapter leurs épreuves pour les ouvrir aux candidats étrangers, tel n’est pas le cas des écoles de commerce. Les concours de ces dernières laissent une place trop importante aux dissertations économiques, littéraires et philosophiques en langue française pour que les non francophones puissent y prétendre après une formation même accélérée dans la langue de Molière.
En premier lieu, il est assez difficile de lire et d’apprécier le niveau d’étudiants issus de si nombreux pays. C’est pourquoi, depuis 8 ans, certains lycées à classes préparatoires ont organisé un test commun de mathématiques qui permet d’évaluer le niveau des candidats étrangers sans tenir compte de la langue. Cette année 450 étudiants chinois ont passé ce test et 50 ont été retenus. Ils vont être acceptés en CPGE en France et seront répartis dans les lycées les plus prestigieux. Ce test permet de sélectionner les plus brillants étudiants dans tous les pays où le système éducatif est assez éloigné du notre.
Les grandes universités anglo-saxonnes chassent également ces talents et disposent souvent de moyens autrement plus importants. Le rôle des services culturels français est alors primordial. Ils sélectionnent les établissements les plus prestigieux dans les pays concernés et construisent le réseau dont vont se servir les proviseurs de CPGE. Il faut ensuite convaincre les responsables de la qualité de l’enseignement français et particulièrement de la formation d’ingénieur. La démarche de M. Vallat consiste à expliquer le système éducatif français puis à persuader ses interlocuteurs que les ingénieurs qui ont construit les centrales nucléaires d’Areva où les fusées Ariane sont parmi les meilleurs du monde. Les responsables des établissements se laissent convaincre mais il faut prendre le temps de leur expliquer les spécificités du système français. Nous sommes trop autocritiques sur la lisibilité du système français ! « Nous avons tout les atouts pour attirer les étudiants étrangers. C’est ce que je [M.Vallat] démontre chaque année. » Il faut prendre le temps d’expliquer notre système et surtout apprendre à le vendre. Dans les lycées français nous avons de très nombreux élèves étrangers qui sont plongés dans l’enseignement français depuis de nombreuses années ; hors la très grande majorité effectue leurs études supérieures dans leur pays d’origine ou migre dans le système anglo-saxon.