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Interview de Philippe GUAY

samedi 6 septembre 2008, par Nicolas LE MENN


Universités et fondations : Quel avenir commun ?

Nous rencontrons dans les locaux du cabinet Deloitte [1] à Neuilly, Philippe Guay, associé en charge du secteur « Associations et Fondations ». Après un début de carrière dans un autre réseau concurrent, Philippe GUAY a rejoint le groupe Deloitte en 1995 pour mettre en place et développer la ligne de services « associations » d’In Extenso, la branche expertise comptable de Deloitte en France. Pendant 10 ans il a été responsable national du secteur associatif, pour développer la communication, la technique et la formation des collaborateurs. Une formation spécifique est, en effet, nécessaire pour répondre aux attentes des associations locales, nationales et internationales qui évoluent dans tous les domaines (social, médico-social, caritatif, insertion, éducation, culturel, sportif, agricole...). Pendant cette période le législateur a fait évoluer le contexte juridique et réglementaire des associations (instruction sur la fiscalité en 1998, loi NRE,..). Les associations ont de plus en plus besoin aujourd’hui des conseils de professionnels ayant des connaissances aussi affirmées que pour les entreprises, en gestion financière, organisation des ressources humaines ou en matière juridique. Cependant elles bénéficient d’un état d’esprit différent puisqu’elles n’appartiennent pas à un capital et leur raison d’être n’est pas la recherche de profits financiers mais le bénéfice social ou humanitaire. « C’est la vocation « Humaine » du secteur associatif qui fait son attrait et le distingue du secteur marchand ».

On constate ces dernières années, depuis le plan de relance du mécénat lancé en 2003, que le législateur favorise le développement des fondations. C’est un mouvement destiné à aligner ces structures juridiques au niveau européen, puisque l’Allemagne et la Grande Bretagne avaient engagé leurs réformes quelques années auparavant, dont on peut se demander aujourd’hui s’il n’est pas plutôt dû à un effet de mode. En France, ce sont des structures alliant public et privé qui bénéficient d’incitations juridiques et fiscales. Elles sont très intéressantes pour les universités qui peuvent ainsi recevoir des ressources privées qui seront utiles à parfaire au fonctionnement d’un patrimoine et d’une organisation issue d’une administration d’Etat, tout en restant sous la gouvernance de l’université.

Deux nouveaux statuts de fondations

L’été dernier, dans le cadre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, le gouvernement a mis en place deux nouveaux statuts de fondations : les fondations universitaires et les fondations partenariales.
- La première est fondée sur un régime proche de la fondation reconnue d’utilité publique, à la différence notable qu’elle n’a pas de personnalité morale. Elle apparaît alors comme un service de l’université. « L’absence de personnalité morale permet d’alléger les coûts » : la gestion administrative et financière de la fondation est directement assurée par les services de l’université et les comptes de la fondation restent soumis aux règles de gestion privée. Elle présente l’inconvénient de limiter la faculté d’action de la fondation qui ne pourra contracter en son nom propre. La fondation universitaire convient plutôt aux universités souhaitant maintenir un contrôle étroit sur le financement et le fonctionnement de la fondation.
- La seconde, dotée de la personnalité morale, est fondée sur un régime proche de la fondation d’entreprise, à la différence qu’elle peut bénéficier de dons et de legs de personnes autres que ses fondateurs. « La fondation partenariale convient aux universités souhaitant développer une véritable collaboration à moyen ou long terme avec les entreprises. » Ainsi, les fondateurs s’engagent sur une durée d’au moins cinq ans. Les statuts doivent prévoir un programme d’action pluriannuel dont le montant ne peut être inférieur à 150.000 € sur cinq ans.

En janvier 2009 plusieurs universités, une vingtaine, vont devenir autonomes, et pourront créer des fondations partenariales ou universitaires. La loi a prévu que ces fondations feront certifier leurs comptes par des commissaires aux comptes. C’est une reconnaissance importante de la part du législateur qui donne un rôle prédominant au contrôleur privé en lui confiant une mission légale, justifiée, entre autres, par la présence de fonds privés au sein de ces structures. Le rapprochement des universités avec les entreprises est au cœur du débat. Elles vont pouvoir chercher des fonds auprès du tissu économique local. « La recherche sera ainsi appuyée par l’investissement grâce au mécénat que les entreprises pourront pratiquer au sein de ces fondations. »

Quelles améliorations possibles ?

Bien que le dispositif fiscal en France soit l’un des plus avantageux d’Europe, il reste perfectible. Aux Etats-Unis, lorsqu’un particulier fait un don à une œuvre, une entreprise qui s’est engagée sous forme de parrainage peut faire un don équivalent. D’autres pistes peuvent être étudiées pour favoriser le développement des fondations et le lien public-privé qu’elles induisent. Le législateur a tous loisirs, aujourd’hui, pour jouer sur deux paramètres sans remettre en cause fondamentalement le dispositif en place. Le taux de réduction d’impôt que génère une opération de soutien financier dans le cadre du mécénat est actuellement de 60% du montant du don. Ce montant est apprécié dans le cadre d’un plafond de 5‰ du Chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais, pour permettre la réalisation de dons importants, il est possible d’affecter les dépassements de ce seuil pendant les cinq exercices suivants. Il ne faut pas oublier qu’avant 2003, le seuil était à 2,5‰ ce qui ne rendait l’accès au mécénat attractif que pour les très grandes entreprises. « Les entreprises n’ayant pas un Chiffre d’affaires élevé n’étaient pas intéressées par le dispositif car les sommes impliquées étaient trop faibles. En augmentant le seuil, on a ouvert le dispositif du mécénat aux PME. » Pour les universités qui sont situées en province ou dans des régions où le tissu économique est moins dense, il serait intéressant de voir augmenter ce plafond au delà de 5‰ du Chiffre d’affaires. Ceci favoriserait encore plus l’implication des PME de proximité et le lien entre l’université et l’économie locale. Il ne faut pas oublier non plus que le mécénat n’a pas que la forme de dons en espèces. Une opération de mécénat peut également s’opérer par des dons en nature, biens d’équipements, marchandises, matières premières produites par l’entreprise, dès lors que ces dons en nature sont valorisés au cout de revient de production de cette dernière. De même, le mécénat de compétence consiste, pour une entreprise, à mettre à disposition d’un organisme (association ou fondation) des salariés pour réaliser des missions dans le cadre de l’objet social de ces organismes. Le coût en salaires et charges sociales de ces salariés pendant le temps de leur mise à disposition est alors traité dans le cadre du dispositif fiscal du mécénat avec les mêmes avantages pour l’entreprise.

Secteur associatif et service public.

Les associations et fondations sont de plus en plus invitées à rechercher l’équilibre de leurs ressources, davantage vers le privé que vers le public. Deloitte publie depuis deux ans, à l’occasion du Forum National des Associations et Fondations [2], en partenariat avec le Crédit Coopératif, un sondage effectué par l’institut CSA qui observe, entre autres, l’évolution de l’opinion des Français sur le financement de leurs associations. On ressent une évolution des esprits en ce sens. « Les associations constatent un désengagement évident des pouvoirs publics, alors elles sollicitent de plus en plus le secteur privé. » L’Etat et les collectivités territoriales engagent des budgets importants en matière de subventions au secteur associatif mais le financeur public est beaucoup plus en attente de contreparties tangibles en termes de services publics et de qualité. La mise en place des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens constitue la trame essentielle de cette relation partenariale solide qui s’est instaurée ces dernières années entre le secteur public et certains organismes associatifs qui se sont, au demeurant, très professionnalisés.

Une nouvelle structure : le Fonds de Dotation.

Cependant le développement généralisé des fondations n’est pas assuré. Il faut, pour cela, attendre de pouvoir mesurer l’effet qu’aura la création de cette nouvelle structure mise en place dans le cadre de la loi LME : le Fonds de Dotation. Le dispositif est attractif dans son volet fiscal puisque les fonds de dotation peuvent recevoir des dons et libéralités ouvrant droit aux mêmes avantages que les fondations reconnues d’utilité publique, exception faite des dons entrant dans le dispositif de réduction de l’ISF. Les fonds de dotation sont éligibles aux dispositifs du mécénat et d’appel à la générosité publique. D’autre part, la mise en place de tels fonds est extrêmement simple. Elle ne nécessite pas de décret en Conseil d’Etat.

Le paysage associatif français s’élargit donc à ce nouveau type de personnes morales avec lesquelles les opérateurs de la philanthropie ont maintenant la possibilité de composer. « L’avenir des Organismes Sans But Lucratifs réside sûrement dans une combinaison de fonds de dotation, d’associations et, de fondations. »

Notes

[1] Deloitte fait référence à Deloitte Touche Tohmatsu, un Verein suisse (association), et à son réseau de cabinets membres qui sont chacun constitués en entités indépendantes et juridiquement distinctes. En France, Deloitte est la firme membre de Deloitte Touche Tohmatsu et les services professionnels sont rendus par ses filiales et ses affiliés. Pour en savoir plus sur la structure légale de Deloitte Touche Tohmatsu et de ses cabinets membres, consulter www.deloitte.com/about.

[2] qui se tiendra cette année le jeudi 30 octobre 2008 au Palais des Congrès de Paris – Porte Maillot


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